vendredi 12 décembre 2008

Castelucci





Pour son retour attendu au festival d'Avignon, le metteur en scène-plasticien, Roméo Castelluci, a décidé de s'attaquer à une oeuvre fondatrice de la littérature italienne : la Divine comédie de Dante. Vaste programme, vaste projet, qu'il propose en trois parties, dans trois lieux différents. Au commencement était l'Enfer - Inferno : on n'en sort pas indemne : Castelluci nous en met plein les yeux et plein les oreilles. Il en a les moyens financiers ; il peut aussi compter sur une troupe talentueuse - la « Societas Raffaello Sanzio » - dont les corps et les cordes vocales sont capables de toutes les distorsions ; en plus, il dispose d'une scène - la cour d'honneur du Palais des Papes – amplificateur idéal de tout déferlement de sons et d'images saisissants. Pour le son : un ballon jeté du haut d'un mur qui n'en finit plus d'exploser dans son rebond ; des chiens, comme fous, qui aboient et se jettent sur le metteur en scène ; le metteur en scène, toujours lui, par la bouche duquel tous les bruits du monde sont dégurgités, et caetera. Pour les images : cet homme-chien presque nu qui escalade les murs du palais sous le regard forcément candide d'un petit garçon gagné par la Harry potterisation ; les fenêtres du palais qui semblent prendre feu (il ne faut pas oublier qu'on est en enfer) ; un cheval, forcément blanc, qui peu à peu s'ensanglante ; une vague de corps allongés, multicolores, mi-vivants, mi-morts ; des hommes et des femmes qui s'égorgent à tour de rôle ou encore qui se jettent dans le vide ; et surtout de jeunes enfants, enfermés dans une cage de verre, indifférents au monde qui les entoure et progressivement recouverts d'un nuage, forcément noir, et caetera. Tout cela de nuit, avec ce soir-là, le ciel sur le point de se déchaîner. Alors forcément le spectateur est pris au piège de ce lent tourbillon sonore et visuel. Comment ne pas l'être alors que tous les sens sont mis en éveil ?


Mais au final que lui reste-t- il ? De belles images. Des images aussi insoutenables (de ces enfants qu'on égorge). Et des questions à foison : que vient faire là Andy Warhol ? Dans une interview, Castelluci nous explique qu'à ses yeux cet artiste a aussi représenté l'enfer en dénonçant le caractère superficiel des choses et du langage. Dommage qu'on ait besoin du commentaire du metteur en scène pour comprendre. C'est là que le bât blesse : sur l'esthétique du spectacle, sur sa scénographie, rien à redire. Mais en quoi tout cela fait-il sens ? Où est passé Dante ? C'est un peu comme si Castelluci s'était contenté d'illustrer, de figurer l'oeuvre fondatrice sans jamais la donner à entendre. On a le sentiment d'être resté un spectateur contemplatif et de jamais avoir pénétré le sens profond de ce qui était donné à voir. Certes, on a compris que tous ces damnés, qui ne cessent de renaître pour mieux « remourir » car Dieu est cruel, souffrent de connaître cet enfer et qu'ils regrettent de ne plus vivre. Et après ? Que manquait-il ? Quelques clés, du texte. Oh le vilain mot à l'heure où la mode est aux installations et aux performances. Et pourtant, concilier visuel et sens n'est pas impossible : il suffit de jeter un coup d'oeil du côté de Rodrigo Garcia pour s'en convaincre. Un spectacle donc en demi-teinte qui laisse le goût amer de l'à peu près.